Histoires inanimées
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Histoires inanimées

Mer 26 Déc - 14:14



Depuis tout petit j'ai une fascination pour les objets. Toy Story c'était la révélation pour moi. Des jouets qui bougent, qui parlent, qui vivent ! Même aujourd'hui, avant de m'endormir, j'imagine des histoires avec des objets en tout genre. J'ai décidé de les mettre sur papier. Je fais tout ça quand je suis bien crevé, alors s'il y a quelques coquilles ici et là, pardon d'avance.

Je ne sais pas si je vais en poster souvent, c'est peut-être une folie d'un soir, mais je trouvais ça sympathique alors je me dis pourquoi pas le mettre sur le forum :3

En tout cas, voici la première histoire, celle du lustre de la salle à manger.

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Dans le château des DeleBlanc, riche famille française avide de commerce et de charcuterie, résidait un lustre brillant. Il resplendissait de toutes ses lumières, de ses bruits scintillants lorsqu'un courant d'air passe, de ses bougies dont les flammes faisaient jaillir le cristallin. Il dominait l'ensemble de l'immense salle à manger, accroché au plafond telle une chauve souris de lumière. Son éclat mettait en valeur la tapisserie asiatique, les plats de dindes fumants, les DeleBlanc grassouillets, la verrerie transparente et le parquet ciré comme jamais.
Le lustre avait tout pour plaire. Pourtant, malgré tout son charme, il était seul, accroché à son plafond de marbre. Les DeleBlanc ne lui accordèrent de l'importance qu'au jour de son acquisition auprès d'un marchand itinérant indien, et puis ce fut la fin. D'objet de luxe il était devenu simple lanterne. De magnificence il est devenu instrument pour ne pas louper le coup de fourchette au moment du dîner. Les larmes du lustre coulaient dans le vin. Il était au dessus de tout le monde, mais en dessous de toute considération. Il pensait souvent à retirer son crochet et à s'écraser sur la nappe. Cependant, il ne le fit jamais. Sans doute par manque de courage, ou tout simplement par prise de conscience de son rôle. Ce n'est pas parce que les DeleBlanc ne le regardaient pas qu'il était totalement oublié. Les DeleBlanc retiennent la lumière et pas le lustre.
Même si à la base, ce dernier aurait voulu faire comme ses congénères. Éclairer une salle de bal, c'est ramener la fierté dans la famille ! A croire que le talent ne fait rien, il suffit de croiser les bonnes personnes. Le lustre a croisé les DeleBlanc.
Une personne allait pourtant changer sa vie. C'était la petite dernière de la famille, qui ne ressemblait en rien à sa mère. Elle au moins n'était pas grassouillette. Elle portait souvent une longue robe rosée qui lui cachait les jambes, un nœud rouge autour de la taille, et des petites couettes espiègles. Lors des dîners, elle fixait continuellement le lustre, ce qui lui apportait des petites perles étincelantes dans les yeux. Parfois, lorsque les parents DeleBlanc étaient partis faire du commerce hors de la propriété, la petite s’allongeait sur le parquet ciré pour observer l'ornement du plafond. Elle ne disait rien, mais son regard posé sur le lustre valait bien plus que tous les mots du monde. Pour elle, le lustre n'était pas seulement un moyen de voir devant soi, c'était aussi un ami, quelqu'un qui pourrait la guider dans les moments sombres. La confiance était mutuelle entre le lustre et la petite fille.
Si bien que le lustre mit tout en œuvre pour ne pas décevoir la petite fille. Lorsqu'elle dînait, le lustre se concentrait de toutes ses forces pour éclairer son assiette d'une lumière divine. La petite fille ne mis pas longtemps pour découvrir la générosité du lustre. Tous les soirs, elle mangeait comme jamais, de cette façon le lustre pouvait éclairer et faire plaisir !
Les années passèrent, et la petite fille n'était plus petite. Elle avait l'âge de partir étudier ailleurs qu'à la propriété. Devenue grassouillette à force de manger quatre parts de volailles, les parents DeleBlanc finirent par ne plus la considérer comme le vilain petit canard de la famille. Le seul qui resta le même, jusqu'au bout, c'est le lustre. Ah si, seul partie de son corps qui se modifiait avec le temps : la cire de ses bougies descendait dangereusement. La famille DeleBlanc avait remarqué une baisse de régime lumineux suite au départ de la petite fille, mais n'avaient pas vraiment le rapprochement. Ils sont beaucoup plus doués pour les contrats et les factures. Pour eux, le lustre coûtait trop cher, surtout depuis qu'ils ont eu vent d'un système d'éclairage révolutionnaire à base d'une nouvelle énergie appelée électricité. L'idée de remplacer le vieux lustre par cette merveille de technologie leur passait de plus en plus par la tête, surtout qu'à long terme, le coût d'entretien serait moindre. Le commerce cogite chez les DeleBlanc.
Chez le lustre, le cœur cogite. Il se demande toute les journées, toutes les nuits, à n'importe quelle heure, s'il va pouvoir retrouver la petite fille qu'il aimait tant. Ses pensées étaient tellement obnubilés par cette petite fille qu'il en oubliait même d'éclairer le souper des DeleBlanc. Ces derniers, exaspérés par le manque cruel de performance, tapèrent du poing sur la table. « Il nous faut l'ampoule ! » vociféra Monsieur DeleBlanc sous son imposante moustache.
Les contacts commerciaux des DeleBlanc ne mettent pas beaucoup de temps avant de venir. Aussitôt dit, aussitôt fait, le lustre est emballé dans du papier protecteur contre les chocs, placé délicatement dans une remorque à l'arrière du véhicule, en prenant bien soin de ne pas brusquer les quelques diamants. Cette fois, c'est sûr, la petite fille ne viendra pas le retrouver. Il regrette presque les DeleBlanc, quand il regarde la propriété s'éloigner.
A la place du lustre se dressait une ampoule, imposante, bedonnante, à l'image des DeleBlanc. Elle éclairait quand ils le désiraient, à la manière d'un robot. Elle se faisait remarquer par son bruit d'électricité continue qui remplissait la pièce d'un brouhaha infernal ; en tout cas, le bruit couvrait la lumière. L'ampoule n'était pas très forte, et surtout, ne concentrait jamais son éclairage sur un membre de la famille DeleBlanc. Impassible, bouillante au toucher mais froide au regard. Elle au moins n'avait jamais de coup de fatigue, et l'allumage était moins pénible. D'un point de vue objectif, l'ampoule valait des centaines de lustres.
Dans son rangement, le lustre ruminait. La poussière s'approchait dangereusement de lui, si bien qu'il était obligé de secouer ses cristaux pour produire un peu de vent. Comble de la situation, une ampoule éclairait la salle. Impassible, comme toujours. « Psst, l'ampoule, ça te dirait d'éclairer un jour sur deux ? Je pourrais te remplacer, ça te ferais des vacances ! » questionna le lustre d'un ton malicieux. L'ampoule ne répondait pas. Elle faisait ce qu'on lui demandait. Et même, elle faisait des heures supplémentaires. Le propriétaire du rangement avait oublié d'éteindre la lumière, alors l'ampoule restait là, allumée, à crier son bruit continue.
Quelques jours plus tard, la porte du rangement s'ouvra. Le contact commercial de la dernière fois pointa son nez, en faisant remarquer que l'ampoule ne s'était pas éteinte et qu'il fallait faire plus attention la prochaine fois. Le lustre était impatient de savoir quel était l’événement ! Un nouveau luminaire dans le rangement ? Une inspection qualité ? Un coup de balai ? Non, rien de tout cela. Le contact commercial attrapa le crochet du lustre et l'embarqua hors du rangement. Celui-ci n'a même pas eu le temps de dire au revoir à l'ampoule. Encore une fois, le lustre était emmitouflé dans du papier protecteur , au fond d'une remorque. Les minutes passèrent.
La lumière du jour n'aveugle pas le lustre, elle l'embellit. Qu'est-ce qu'il était beau quand il sortait de la remorque ! Et qu'elle ne fut pas la surprise de revoir la propriété des DeleBlanc ! Cependant, quelque chose avait changé depuis la dernière fois. Les DeleBlanc étaient toujours aussi bedonnants, mais des draps marrons avaient remplacé les habits de soie. Le lustre, en grand malin, compris tout de suite la situation. L'ampoule les avait ruinés. La facture d'électricité était plus lourde que prévue. Le bruit continue était un cri d'alarme. Il aurait très bien pu refuser de revenir, les laisser se débrouiller, mais non. Il s'accrocha au plafond de marbre, au dessus de la table à manger, plus vide que jamais. Simplement, il ne pouvait rien refuser à une famille qui a mis au monde la petite fille. Qu'est-elle devenue ?
La petite fille, très intelligente et pleine d'ambition, étudiait à l'école privée. Elle brillait par son sens des affaires et sa maîtrise de la physique. C'est donc tout naturellement qu'elle fut remarquée dès l'obtention de son certificat d'étude par un employeur d'usine. Ni une ni deux, la petite fille se retrouva au secteur recherche d'une grande usine d'ampoule. Elle devait trouver l'éclairage domestique de demain. La mode était au renouvellement des anciens modèles ; au bout de quelques mois seulement, la petite fille mit au point un modèle de lustre pouvant contenir plus de six ampoules ! Largement assez pour éclairer une grande salle de bal...Ou une salle à manger.
En souvenir de son ami le lustre, la petite fille rendu visite à sa famille.
Elle refusa de s'allonger sur le parquet aujourd'hui moins ciré par simple coquetterie, mais leva tout de même les yeux au plafond et regarda le lustre de longues minutes. Celui-ci n'était même pas surpris de sa visite. Il le savait, la petite fille allait revenir. Le lustre a vu les yeux de la petite fille, il a vu les yeux de la fille. Il a tout vu. Il peut éclairer maintenant.

Et la lumière fut.

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t ki

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Mer 26 Déc - 19:08



J'ai bien aimé, ça se lit bien et c'est drôlement décrit. :3

J'trouve juste assez triste que la fillette à la fin travaille dans l'ampoule. Sérieux j'étais triste pour le lustre à cette phrase là.

(et un lustre avec 6 ampoules au lieu d'une, ça va ruiner 6 fois plus vite les DeleBlanc, hu).
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Mer 26 Déc - 19:24



Les DeleBlanc vont pas acheter le lustre de la fille voyons, c'est presque des pauvres maintenant x3
Pour l'histoire de la petite fille, j'sais pas, j'ai écris ça comme bon me semblait sans trop me soucier de quoi que ce soit. Peut-être que je m'interdis d'écrire des histoires belles à 100% ahah xD
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t ki

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Mer 26 Déc - 19:37



Hahaha, tu l'as fini vite! °W°

Bon bon bon. Déjà, j'aime l'histoire. J'ai trouvé ça super mignon. Et j'accroche bien à l'idée de suivre l'évolution d'un objet inanimé comme si c'était un personnage, une personne. C'est bien mené, on s'ennuie pas, surtout, ça raconte plein de choses en peu de phrases, ça développe des personnages de façon cohérente, et ça c'est très très bien. =W=

Pour l'aspect technique, la seule chose que j'ai à dire c'est de penser à la concordance des temps. :3 Tu passes du passé au présent de façon aléatoire et y a des moments où ça perturbe quand on est plongé dans la lecture. Mais ça pourrait passer, à vrai dire, si tu le mets bien en palce ; parce que par exemple sur la fin ça choque pas du tout. °w°

Sinon, j'ai vu quelques fautes de conjugaison à deux-trois endroit aussi, "la porte s'ouvrit" et pas "s'ouvra", par exemple, mais à moins que tu en veuilles une liste détaillée je te laisse les corriger toi-même. x3

Oh, et puis j'ai envie de dessiner un personnage-lustre maintenant.
Kana
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Mer 26 Déc - 19:55



Mon lustre était si attachant que ça ? °w°
En tout cas merci bien ~
J'écris une nouvelle histoire en ce moment, avec un objet complètement différent ~

A propos de tout ce qui est fautes & co, à vrai dire je m'en tamponne un peu. Je me relis même pas. Je devrais, je sais. Mais d'un autre côté, quand j'ai fini d'écrire, je suis un peu tout foufou et j'ai envie de le partager, donc je me dis, allez hop, flemme relecture, et je le poste direct. Ca vaut pour les fautes en tout genre et la concordance des temps.
Screw
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t ki

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Mer 26 Déc - 20:01



Bah, moi j'te préviens juste au cas où t'aies envie de le savoir, mais sinon peu importe hein. °w°

J'attends la prochaine alors ! <3
Kana
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Mer 26 Déc - 20:21



... Et pour répondre à la place d'Elione, oui, Mr Lustre est si attachant que ça. /D

Ce que j'aime bien aussi, c'est que tu connaissant, les personnages prennent directement un aspect très burlesque dans leur description. L'une des phrases les plus descriptives, pour moi, c'est "« Il nous faut l'ampoule ! » vociféra Monsieur DeleBlanc sous son imposante moustache. " Rien que les mots "imposante moustache", chez moi, ça m'a donné l'idée parfaite du personnage que tu voulais.

... Ou alors je suis un idiot qui tilte sur le mot moustache. xD
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Mer 26 Déc - 20:25



J'approuve content. C'est exactement ce que j'ai ressenti aussi. I suffit d'une phrase et hop, on a l'image entière. C'est super. °W°
Kana
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Mer 26 Déc - 20:39



Ohohoh, bah du coup j'ai la pression pour la suite xD
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t ki

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Jeu 27 Déc - 0:58



Je me sens productif aujourd'hui, voici la deuxième histoire inanimée ! Cette fois, le héros est le petit sac à dos de la montagne :

Bien plus tard, l'un des descendants de l'illustre famille DeleBlanc marchait tout droit en direction du sommet de la montagne. Le soleil l'éblouissait, et ses vêtements imbibés de sueurs lui collaient à la peau. La prochaine source d'eau n'était plus qu'à quelques kilomètres maintenant, même si c'est dur, un dernier petit effort est requis !
Cependant, le DeleBlanc avait vraiment mal au dos. Son sac à dos était lourd, remplie de sandwich, de bouteilles d'eau, d'objets divers et de sa tente dépliante. Le sac à dos avait l'air d'être un poids, et pourtant c'était le plus fidèle compagnon du DeleBlanc. Cela faisait aujourd'hui plus de quatorze jours qu'il avait quitté la propriété héritée de ses ancêtres pour un voyage en solitaire dans la montagne, avec pour seule présence son sac à dos à multiples poches.
Pour être pratique, ah ça il l'était le sac à dos ! Des poches sur les côtés, devant, à l'intérieur, des compartiments, des tonnes de lanières, c'était un ami génial, bourré de ressources. Des fois, avant de s'endormir, le jeune DeleBlanc racontait une histoire à son ami le sac à dos, souvent des histoires de cow-boy et de batailles de pistolets.
Ce jour là c'était l'antépénultième jour avant le sommet. Il fallait encore traverser cette haute pile de rochers et cette petite forêt, au loin. La nuit commençait à tomber, cependant. En plus l'emplacement était plutôt plat, la tente était prête à être installée. Le DeleBlanc pose le sac à dos par terre, celui-ci lui donne la tente pliée, et au boulot ! En quelques minutes, l'abri est en place. Le sac à dos avait même prévu un gros sac de couchage tout chaud. La nuit allait sûrement bien se passer. Le DeleBlanc enfila son pyjama lapin, fis un câlin à son sac à dos adoré, et se mit dans le sac de couchage. Comme à l’accoutumé, une petite histoire avant de s'endormir :
C'est l'histoire d'un brigand au temps du far west. Il faisait peur à tout le monde dans la contrée. Un jour, en entrant dans un saloon, il fit la rencontre du shérif local. Ils se reconnaissent tous les deux et décident de faire un combat de pistolet. Pan, pan ! Les balles partent de tous les côtés ! Le shérif était rusé, alors il tira en direction du lustre. Celui-ci tomba sur le brigand, et il était piégé comme un rat ! Le shérif avait réussi sa mission ! Il ne reste plus qu'à mettre le brigand en prison. Malheureusement, les complices du brigand avaient prévu un plan B, et ils réussirent à libérer le brigand sur le chemin de la prison !
Un grognement sourd vint mettre un terme à l'histoire. Une ombre effrayante se dessinait hors de la tente, celle d'une grosse bête ! Des gros coups de griffes dans les airs, oui, c'est clair, c'est un ours ! L'ours était aux trousses du lapin ! Le DeleBlanc n'aurait pas du enfiler son pyjama lapin !
Dans cette situation, la fuite est la seule solution ! Le DeleBlanc enfile son sac à dos, grimpe à toute vitesse vers la pile de rochers.
A mi-hauteur, l'un des rochers se détache de la falaise. Le jeune DeleBlanc réussi à se détacher, mais ce ne fut pas le cas du sac à dos. Ce dernier tomba, tout en bas de la falaise, juste devant les pattes de l'ours. Intrigué, il fouilla dans le sac. Il y trouva un sandwich de la taille d'une longue baguette de pain, une bouteille d'eau avec bec verseur, un album photo rempli de photos de famille et une lampe torche. On est jamais trop prudent. L'ours mangea le sandwich d'une seule bouchée avant de repartir dans la direction opposée, un peu déçu d'avoir raté le lapin.
« Je vais contourner la montagne et venir te rejoindre ! C'est trop abrupte pour descendre, je dois faire le tour ! Attend moi sagement petit sac à dos ! » cria le DeleBlanc, avec les deux mains sur les côtés de la bouche pour amplifier le son.
Une fois parti, le sac à dos était bien seul, dans le noir, en bas de la falaise. Il entendait tous les bruits de la montagne. Le hibou résonnait dans la vallée, les feuilles bougeaient avec le vent. Son tissu commençait à trembler, pas seulement pour le froid, mais aussi par peur de tomber sur un animal féroce. Une idée lui vint à l'esprit : il allait se cacher dans la tente ! Au moins, le sac à dos aurait accès à la chaleur du sac du couchage. Le petit sac à dos tomba au sol et se laissa rouler vers la tente.
Un malheur n'arrive jamais seul. Le vent se leva. Une bourrasque emporta les feuilles mortes avec le petit sac à dos, qui dévala la montagne et qui s'éloignait de la tente. Il fermait les yeux le plus fort possible, il n'osait pas voir tout ça. Les cailloux lui faisaient un peu mal. Et puis tout d'un coup, plus rien. Plus de douleur, plus de mouvement, plus de vent. Le petit sac à dos ouvrit les yeux. Il était tombé dans un minuscule grotte dont le vent ne connaissait pas l'entrée. Tout cela rassurait le petit sac à dos. Il pouvait reposer ses lanières. Son esprit était tourné vers le jeune DeleBlanc. Qu'allait-il penser en voyant l'emplacement vide ? Le petit sac à dos s'en voulait. Il ne désirait pas que le jeune DeleBlanc ait cette image de lui, une image d'un lâche qui abandonne ses amis. Mais il ne pouvait rien y faire ; il était coincé dans cette minuscule grotte.
La grotte était incroyablement sombre, si bien que le petit sac à dos devait tâter le sol autour de lui pour se rassurer. Son seul repère géographique était le bruit du vent, à quelques mètres. Soudain, ce bruit fut couvert par un autre cri, un beuglement que le petit sac à dos avait déjà entendu. C'était l'ours ! La petite grotte servait d'abris pour l'ours !
Bizarrement, le petit sac à dos était moins terrorisé que l'ours. Celui-ci était tout recroquevillé au sol, se serrant toujours un peu plus à chaque bruit de bourrasque. Le sac à dos se rapprocha délicatement de sa grosse fourrure, et commença à lui insuffler des mots rassurants. « Tout va bien se passer, ourson. Je vais te raconter une histoire, la nuit passera plus vite ». il sortit la lampe torche de sa poche centrale et éclaira ses gestes. Il mimait une certaine histoire de cow-boy.
En plissant sa poignée du haut, il devenait un brigand. Le petit sac à dos déambulait dans la grotte minuscule et poussa du vide avec ses lanières, comme pour rentrer dans un saloon. Il saisit un caillou et l'attacha à sa petite poche du devant, il devenait chérif. Pan, pan, ses fermetures devenaient des pistolets ! Avec tous ces gestes, un rocher tomba sur le sac à dos, ce qui fit chuter le caillou de la poche centrale : le brigand était assommé !
Toutes les petites mimiques du sac à dos faisaient bien rire l'ours, qui oubliait presque le mauvais temps. Il applaudissait de ses pattes poilues, puis s'arrêta net. L'ours avait senti quelque chose. Une odeur différente, et pourtant connue. C'était le lapin ! Il était là, devant la grotte, criant le nom du petit sac à dos en se protégeant le visage. « Je suis là, viens me chercher ! » lança le sac à dos de toutes ses forces. Le jeune DeleBlanc entra dans la grotte.
L'ours cru alors à une suite de l'histoire. Le lapin est-il un complice du brigand ? C'est un danger ! Puisqu'il n'a pas de pistolet, un grognement fera l'affaire. Le lapin allait suivre le brigand en prison. Effrayé, le jeune DeleBlanc se saisit de la lampe torche, du petit sac à dos, et pris les jambes à son cou. Direction la tente ! Il fallait récupérer le sac de couchage. L'ours ne pris même pas la peine de les suivre, une nouvelle fois apeuré par le mauvais temps.
Le jour commençait à se lever et le vent se calmait au fur et à mesure que le soleil affichait les premiers rayons. Le sac à dos regrettait presque la compagnie de l'ours. Il devait bien s'ennuyer tout seul dans sa grotte, sans personne pour mimer des histoires de cow-boy. Mais impossible de mettre DeleBlanc-lapin et l'ours dans la même pièce.
Le voyage continuait, sans que personne ne parle de cette histoire. Après plusieurs jours d'efforts, les voilà enfin au sommet de la montagne ! Ils n'étaient pas déçus, le panorama est magnifique. Aussi sublime que l'amitié entre DeleBlanc et le sac à dos. Ils décidèrent de construire leur chalet au sommet de la montagne et de vivre ici. « On aura cette vue à chaque fois qu'on regardera par la fenêtre », c'était l'idée de DeleBlanc.
Tous les soirs, avant de s'endormir dans le chalet, le petit sac à dos sort discrètement du lit pour déposer à l'extérieur devant la porte un sandwich en forme d'étoile de shérif. Tous les matins, le sandwich est remplacé par une touffe de fourrure.
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t ki

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Lun 31 Déc - 22:55



Et hop, double post pour vous montrer la suite des histoires inanimées !

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Fini ! Le match a duré, pour une fois l'adversaire était à la hauteur. Mais comme toujours, elle gagnait. Le ping-pong c'était toute sa vie, elle vivait ping-pong, elle respirait ping-pong ! La petite raquette préférée de l'aîné DeleBlanc, petit fils de la fameuse ingénieure en ampoule. C'était un petit champion lui aussi, et ils s'aimaient plus que tout avec sa petite raquette. Cela faisait maintenant sept ans que le DeleBlanc jouait au ping-pong, tous les jours, toujours avec la même raquette. Et depuis le début le même rituel, le DeleBlanc utilisait la face rouge pour les cinq derniers points de la partie, puisque c'était sa couleur préférée. Le rouge de la raquette, c'était porte-bonheur.
A l'image du joueur, la petite raquette de ping-pong était une battante, une guerrière ! Elle avait la soif de victoire, la rage de vaincre. La sensation qui l'envahissait quand elle portait le coup final valait toutes les joies du monde. En plus de ça, elle avait un petit côté sadique : juste avant d'asséner le coup de la victoire, la raquette adressait un petit sourire malicieux à son adversaire avant de porter un smash brutal. Elle aimait voir la peur dans les yeux de son ennemi.
La raquette et le DeleBlanc formaient un duo incroyable. Ils étaient imbattables, et par conséquent, invaincus. Dans les vestiaires, juste avant les grands matchs de tournoi, le DeleBlanc ne résistait pas à faire un petit câlin à sa raquette favorite. L'amitié était scellé par un lien puissant, celui de la victoire.
Cependant à force de faire sa petite maligne, la raquette commençait à s'user. Elle se faisait vieille, et c'est bien connu, les sportifs prennent leur retraite plus tôt que les autres. Les caoutchoucs de couleur commençaient à se décoller, surtout la face rouge d'ailleurs. Le DeleBlanc essayait de cacher ça avec des pointes de colle, mais malheureusement le rafistolage ne dure qu'un temps. C'est lors d'un entraînement que le rouge de la raquette se décolla complètement. Le DeleBlanc poussa un petit cri de détresse, pleura un bon coup, se sécha les larmes ; il se disait qu'il était peut-être temps de remplacer sa petite raquette adorée. Après tout, quand on y réfléchit, ce n'est qu'un morceau de bois avec du caoutchoucs dessus, il pourrait la remplacer par un modèle un peu plus performant, avec une meilleure coupe pour être un peu plus efficace sur les revers...
Au dessus de la poubelle, la main du DeleBlanc tremblait un peu. Il avait du mal à lâcher la petite raquette. Tant de choses vécus ensemble, tant de belles aventures. La raquette pendant ce temps criait de toutes ses forces : « Non, non ! Ne me lâche pas ! Souviens toi ! ».
Le DeleBlanc avait un cœur. Il a eu sa dose de pensées cyniques. Il était temps de se ressaisir, et la poubelle se referma.
Inutilisable, la petite raquette avait besoin de toute l'aide du DeleBlanc. Elle devait se faire porter pour effectuer le moindre mouvement. C'était un légume, oui, mais un légume toujours scellé par les liens de l'amitié. Le petit DeleBlanc, malgré son jeune âge et donc sa fraîcheur d'esprit, n'abandonna pas une seule seconde la petite raquette. En fin de compte, c'est la raquette qui se lassa le plus rapidement de cette situation. Elle voulait l'aventure, l'adrénaline, les sensations fortes ! Rester toute la journée devant la fenêtre pour observer les passants et les gouttes d'eau, c'était vraiment pas son truc. Elle voulait dépasser la limite de la vitre, sortir, explorer des choses, découvrir de nouvelles sensations ! La raquette avait soif de liberté.
Alors un jour, alors que le petit DeleBlanc se reposait d'un entraînement de ping-pong, la petite raquette décida de s'en aller, sur un coup de tête. Elle n'avait rien préparé, même pas un petit sac à dos. Elle voulait quitter sa condition de légume, quasiment prisonnière. Malgré ses difficultés pour se déplacer, elle s'éloignait de la maison, petit à petit, lentement mais sûrement. Elle ne se retournait pas, pour ne pas se mettre à regretter le DeleBlanc. Et puis le temps passait.
En chemin, elle tomba sur le club de ping-pong. Elle n'avait même pas fait attention au chemin parcourue, il faut croire que son instinct la guide naturellement vers ce club. En contemplant l'insigne du club, elle avait des millions d'images qui tourbillonnaient dans sa tête, et surtout ses dernières fois d'ailleurs. Sa dernière victoire, son dernier smash, sa dernière balle, son dernier coup droit, son dernier revers, son dernier lift, son dernier service, son dernier adversaire humilié. Tout ça était révolu.
A son réveil, le DeleBlanc était en panique. Il fouillait la maison dans les moindres recoins. « Où es-tu, petite raquette ? Ce n'est plus drôle maintenant, montre-toi ! » criait-il avec sa voix qui vibrait parfois par la tristesse. Après avoir retourné la maison dans tous les sens, parfois pour regarder plusieurs fois le même endroit sous le coup de la peur, il se demandait dans quel endroit la raquette a bien pu aller. Une réponse naturelle lui venait à l'esprit : le club de ping-pong.
A ce moment là il pleuvait. Le visage du DeleBlanc se faisait fouetter par les chutes d'eau en courant, mais la douleur n'était rien comparée à la détermination de revoir sa raquette préférée. Elle était bien là, devant le club, sur le trottoir. Elle admirait l'insigne, immobile, trempée sous la pluie. Elle était belle comme ça.
Le DeleBlanc, furieux, saisi la raquette et vociféra sur elle ; « Alors comme ça tu fugues hein ? C'est parce que Madame a envie de liberté, c'est ça ? Madame trouve que je suis trop derrière elle, elle trouve que je l'étouffe ? ». Bien sûr, il ne pensait pas un mot de ce qu'il disait. Au fond de lui, il était soulagé d'avoir retrouvé sa raquette saine et sauve. La colère l'aveuglait. Et le ton montait. « Ma place est ici, au club, pas chez toi ! ».
Dans un mouvement de rage qu'il regrette encore, le DeleBlanc glissa la raquette dans la boîte au lettre du club de ping-pong, et s'en alla, les larmes se confondant avec la pluie. Le lien d'amitié était brisé.
Dans la minuscule boîte au lettre, la raquette broyait du noir. Si elle avait quitté la maison, ce n'était pour se retrouver dans un espace encore plus restreint. Elle sentait néanmoins les vibrations de sa terre natale. Elle se situait pile à la frontière entre son environnement naturel et le monde extérieur. La raquette se collait à la parois pour être la plus proche possible du club. Cependant, elle redescendait souvent sous le dépit, en repensant au jeune DeleBlanc ; le pauvre, tout cela devait être dur pour lui.
Le lendemain, la porte de la boîte au lettre s'ouvrit. La lumière extérieure éblouissait la raquette. Le propriétaire du club, accompagné du DeleBlanc, pris la raquette, puis d'une échelle (ou d'un escabeau, la raquette avait du mal à comprendre ce qu'il se passait autour d'elle). Comme un certain prophète, elle se fit clouée au mur, en plein milieu de l'insigne qu'elle contemplait la veille !
Le DeleBlanc la regardait fièrement. « Comme ça, tu seras toujours au club, même si tu ne peux plus faire des matchs. Tu seras l'emblème du club ! ». Une petite larme -la dernière sûrement- ruisselait sur sa joue rose. La petite raquette, malgré toute sa rage de vaincre, sa détermination et, avouons-le, son côté garçon manqué, ne put s'empêcher de répondre à la petite larme en faisant de même.
Merci d'être génial, DeleBlanc.
Screw
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t ki

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Mar 1 Jan - 21:49



Pourquoi je souris comme une niaise en pensant "c'est mignooooooooon" ? /D

C'était un super texte, encore une fois, sérieusement j'adore ces trucs. J'ai envie de tout illustrer, là. C'est fou comme il suffit de quelques phrases et pouf, y a une image qui me vient. C'est super. °W°
Kana
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Mer 2 Jan - 10:03



Nyuuuu merci ! ~~

La suite arrive bientôt \^.^/
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t ki

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Dim 13 Jan - 4:50



J'avais dit bientôt ? Oui, oui, donc voilà la suite des histoires inanimées. Attention, larmes garanties.

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La pelle avançait lentement, remplie de rochers noirs, vers la lumière. Une fois à quelques centimètres de son but, elle pris sa respiration, marqua un temps, puis se jeta de toute la puissance de son manche pour balancer les rochers noirs en plein centre du brasier.
La fonderie fonctionnait comme cela. Une chaîne de plusieurs actions. Et au centre, ce qui constituait la névralgique de la fonderie, c'était la grosse fournaise. Toute la journée elle faisait fondre le métal servant à construire les ampoules. C'était un travail à plein temps, qui commençait avant le soleil et finissait après le soleil.
Bedonnante, grassouillette à force de se nourrir de rochers noirs à longueur de journée, elle dominait l'ensemble de la fonderie. Cependant, la fournaise restait modeste, et profitait de sa situation pour une naïveté presque déconcertante. Grâce à sa position, elle pouvait voir tous ses collèges de travail courir dans tous les sens pour transporter les rochers noirs. Elle pouvait aussi leur dire « bonjour ! » le matin et « au revoir ! » le soir, ce qui n'était pas donné à tout le monde. Tous les outils ne pouvaient pas se vanter de pouvoir parler à ses partenaires.
Dans sa tête, la fournaise était une sorte de père protecteur. Mais dans la tête des outils, c'était plus un dégénéré, ou dans le meilleur des cas un type un peu bizarre. Sa niaiserie lui collait à la peau, comme une étiquette de carton qu'on arrive pas à décoller. La fournaise ne remarquait pas tout ça. Les outils qui passaient devant lui affichaient toujours un grand sourire hypocrite, mais ça lui suffisait largement. Forcé ou pas, un sourire reste un sourire. La seule qui n'était pas hypocrite, c'était son amie la pelle, qui lui rendait souvent visite au boulot. Elle lui donnait à manger, plusieurs jours par jours, à intervalle régulier C'était elle qui chargeait la fournaise de charbon.
Le soir, quand tout le monde rentre dans sa case de rangement, lui seul restait à son lieu de travail. Il était planté là de toute manière, condamné à l'immobilité, à regarder les autres se déplacer en continu. Son brasier intérieur servait de veilleuse pour tous les autres, et au bout de quelques heures lui aussi s'éteignait quand tout le monde dormait. Un vrai père protecteur.
Les journées se passaient comme ça, à chaque fois le même rituel. Le matin, bonjour, la journée miam miam, le soir, au revoir. La fournaise ne se lassait jamais.
Pourtant, un événement incongru est venu briser ce rythme. L'amie de la fournaise, la pelle, essaya de fanfaronner auprès de ses collèges et transporta plus de rochers noirs que d'habitude. Résultat, son manche se brisa. C'en était fini d'elle. Elle devait être remplacée. La fournaise ne réalisa pas tout de suite, naïf, comme à l'habitude.
Il compris dès que la charrette transportant la pelle passa la grande porte de l'usine. La flamme descendait progressivement, pour finalement ne devenir qu'une simple petite étincelle. La fournaise se sentait beaucoup plus lourd que d'habitude. Les rochers noirs ne fondaient presque plus. Quelques minutes plus tard, la charrette revenait à l'usine, avec une autre pelle. Dès son arrivée, la nouvelle pelle se mit tout de suite au travail. Elle pris une grosse pelletée de charbons, et fonça vers la fournaise. Elle semblait plus ergonomique et plus pratique que sa prédécesseur.
Face à face, la fournaise esquissait un léger sourire naïf à la nouvelle pelle. Impassible, elle le regarda dans les yeux, déposa prestement les rochers, puis se retourna pour recharger sa cargaison. Pire que l'absence, la fournaise subissait l'ignorance.
Les jours passaient, et la fournaise commençait à s'ennuyer sec. Les journées étaient longues, sans aucun bonjour de son amie la pelle. Il n'avait pas la moindre nouvelle d'elle, tout ceci l'inquiétait beaucoup. L'idée de sauter dans la prochaine charrette pour la rejoindre lui traversa l'esprit de temps en temps, avant de se rendre compte qu'il ne pouvait tout simplement pas bouger, solidement attaché par son poids imposant. Le comportement de la nouvelle pelle se faisait de moins en moins impassible. Elle rejoignait le clan des autres outils, laissant la fournaise seul. Même pire, un caractère espiègle à la limite de la peste germait. A force de se moquer et de faire des réflexions sur le ventre bedonnant de la fournaise, la nouvelle pelle avait retenue toute l'attention de l'usine. C'était elle, la star. Et la fournaise, c'est lui la cible. Oh bien sûr, la nouvelle pelle continuait son travail, force est de reconnaître qu'elle le faisait efficacement.
Alors un jour, la fournaise lança un énorme stop. Il s'arrêta de fonctionner, purement et simplement. « Si je dois faire grève pour qu'on me considère, je ferais grève » pensait-il. Le résultat ne se fit pas attendre : toute l'usine se dérégla. Tout le système était chamboulé par l'absence de la fournaise. Les pelles ne savaient plus où placer les rochers noirs, le tapis déroulant n'avait plus rien à transporter, et les rouages cessaient tout simplement leur activité.
Dans son orgueil, la nouvelle pelle se disait que l'usine devait vivre avec son temps. Une vieille fournaise bedonnante n'avait plus sa place dans une usine de cette envergure. Il fallait se passer de la fournaise, et pour elle, ce n'était pas plus mal.
Dans sa bêtise, la nouvelle pelle oubliait la fonte des rochers noirs. Elle entassait les rochers dans une sorte de grosse cuve, en espérant que quelqu'un d'autre allait bien finir par trouver un mécanisme pour brûler tout ça. Le tas grandissait au fur et à mesure (l'énergie déployée par la nouvelle pelle n'était pas à mettre en cause), si bien qu'il dépassait même la taille de la fournaise. Les rochers du haut titillaient le plafond de l'usine.
Il ne pouvait rien arriver de pire pour la nouvelle pelle : alertée par un arrêt brutal de la chaîne de production, les membres du contrôle technique poussèrent les lourdes portes de l'usine. Parmi le comité se trouvait la fille de la riche famille DeleBlanc, propriétaire de l'usine, ingénieure en chef, et accessoirement, un sacré caractère. Après une rapide inspection des différents outils, l'équipe se place devant la fournaise, qui n'avait même pas fait attention à leur arrivée. Aucun automatisme à l'intérieur de la fournaise n'était brisé, ou n'avait subi une quelconque modification. Les ingénieurs, pourtant surdiplomés, arrivèrent à la conclusion que la fournaise n'avait aucun problème.
La fille DeleBlanc, un peu plus maligne, voyait clair dans le jeu de la fournaise. Elle s'approcha discrètement de la grille d'aération et murmura : « C'est pas la mort d'être le vilain petit canard. Je l'ai été ».
Les yeux de la fournaise s'écarquillaient comme jamais. La fille DeleBlanc ? Un vilain petit canard ? Impensable ! Elle avait plus une tête de championne de ping-pong plus que de rejetée de famille. Si cela s'avérait vrai, chapeau bas. Cela redonnait espoir en la fournaise. Une fois le comité partit, en quête de réponse à cette mystérieuse panne générale, la fournaise bomba son torse, pris une grande bouffée d'air, puis se tourna violemment vers la nouvelle pelle. Il cria « Sans moi, tu n'est juste qu'un bout de bois et de métal. Je suis plus fort que toi, je suis plus résistant que toi, on ne peut pas me remplacer comme toi. Pour moi tu es un instrument, pour toi je suis un élément vital ».
Les mots résonnaient dans toute l'usine. L'intégralité des outils, sous le choc, ne savaient quoi répondre et tous attendaient impatiemment la réaction de la nouvelle pelle, dans le même état. La non-réaction immédiate de la nouvelle pelle enflamma la fournaise. Son feu intérieur se mit à brûler, à déployer le plus grand brasier jamais connu. Le tas de rochers noirs construit par la nouvelle pelle commença à s'imprégner des flammes. Peu à peu, le feu s'installa dans l'usine. Il n'a fallu que quelques minutes pour que l'usine soit envahie par le torrent de flammes.
Le comité était affolé. Ils criaient à l'aide, tout ceci était bien trop rapide. En plein centre de l'usine, complètement protégée des flammes par sa lourde carapace, la fournaise jubilait. Il regardait l'excitation générale, le flux d'outils autour de lui, les débris de charpente qui tombaient.
Certains débris chutaient sur des outils, provoquant des cris de douleur atroce. Le son agressif de l'agonie réveilla la fournaise. Il pris alors conscience de son erreur. Solidement attaché à son socle de métal, il ne pouvait rien faire pour maîtriser les flammes. Il n'était que spectateur impuissant d'un massacre dont il était le responsable.
Complètement dévastée, l'usine ressemblait à un champ de guerre après la bataille. Le même désastre, la même absurdité. Seul survivant, la fournaise répétait « désolé » à longueur de journée. La fille DeleBlanc s'approcha de la fournaise, seule, les mains derrière le dos, sans aucune expression faciale apparente, colla sa bouche contre la bouche d'aération noircie par les cendres et exprima quelques mots.
« A la base, le vilain petit canard n'est pas vilain. Tu n'es ni vilain, ni petit, ni canard. Tu es la fournaise. »
La fille DeleBlanc allongea ses bras sur l'immense cuirasse de métal, posa sa tête contre le fer froid, et ferma les yeux.
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t ki

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Sam 26 Jan - 23:07



LA SUITE ! Celle-là est un peu plus rigolote. Ceux qui lisent depuis le début verront de nombreuses références aux parties précédentes. En fait, c'est quelque chose que je prévoit depuis la deuxième partie : créer un fil rouge entre toutes les histoires, basé sur la fille DeleBlanc. Chaque partie est forcément liée avec une autre, et la lignée DeleBlanc se dessine petit à petit ~

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La sueur ruisselait lentement, tranquillement. Elle descendait le long des « jambonneaux disgracieux », comme il aimait les décrire. La cascade de transpiration chutait, de la moustache aux pieds, pour venir s'imbiber sur le drap enveloppant le large lit à baldaquin. Le drap n'aimait pas trop ces moments, il avait l'impression d'être invité à une fête mais non côtoyé. En plus il devait se sécher souvent tout seul, ce qui avait le don de le dégoûter au plus haut point. Il trouvait ça sale. De toute façon, le drap avait le chic pour faire le difficile. Quand il était témoin de tous les moments de bonheur de la famille DeleBlanc (une fois pourtant, la mère DeleBlanc n'était pas avec son mari, et semblait beaucoup plus enjouée que d'habitude), le drap râlait et plissait ses sens. Il fermait les yeux et le nez, et se recroquevillait de façon à disposer des petites bosses sur sa soie ; les DeleBlanc allaient peut-être trouver le support désagréable et faire leur affaire dans un autre lieu.
Une fois pourtant, le moment n'était pas comme d'habitude. Cette fois ci, L'imposante mère DeleBlanc était seule, entourée de plusieurs médecins, dans la même position de d'habitude. Elle semblait avoir mal.
Que nenni ! Elle pouvait bien crier la pauvre ! Cela ne changeait rien au dégoût qu'éprouvait le drap lorsque les tâches de sang lui sautaient au visage. Une horreur.
S'il y avait bien deux choses que le drap ne comprenait pas, c'était premièrement pourquoi toutes ces tâches et surtout deuxièmement comment expliquer le changement brutal d'émotions de la mère DeleBlanc. D'un coup, alors qu'elle criait comme jamais, elle poussa une sorte de cri de victoire mixé avec un interminable soupir. Et puis elle n'était plus seule sur le drap. Il y avait une autre personne, beaucoup plus petite, et beaucoup moins bedonnante.
Le drap pensait au futur, à tout le poids qu'il allait devoir supporter. Deux DeleBlanc, ce n'était pas suffisamment lourd ? Ou alors, le père DeleBlanc devra raser sa moustache, cela comblera l'arrivée de la nouvelle venue.
La couette était une peu idiote. Elle n'avait rien compris à la situation, même s'il faut avouer qu'être absente au moment de l'évènement n'aide pas pour être à jour. Pourtant, c'était elle qu'avait choisie la fille DeleBlanc, grandissant plus vite que prévue. Dans le fond c'était compréhensible, la couette est beaucoup plus moelleuse et douce que le drap. Ce dernier, toujours dans son esprit rugueux et bougon, se réjouissait de cette situation. Au moins il était tranquille. En plus, les DeleBlanc ne suaient pas autant qu'avant. « Ils font ce qu'ils savent faire de mieux : dormir », lança-t-il en fin de soirée.
Mais au bout d'un certain temps, le drap commençait à s'ennuyer. Il râlait de moins en moins. Ce qui l'énervait encore plus, c'était de prendre conscience qu'il avait besoin de ce qu'il détestait pour continuer sa passion : le grincement de dents. Tout cela lui donnait la jaunisse.
Parallèlement, la fille DeleBlanc grossissait. Dans la famille, on parlait d'appartement à Paris pour les études. Le drame ! On parlait aussi d'envoyer le matelas, la couette et le drap dans l'appartement pour limiter les frais (la famille DeleBlanc était quasiment ruinée à cause de la facture d'éclairage).
Chez les DeleBlanc, on sait tenir les promesses et les repas. C'est lors d'un grand déjeuner que Monsieur DeleBlanc se leva et vociféra sous son imposante moustache « C'est décidé ! Le lit entier sera pour toi, ma chérie ! », en pointant du doigt la fille DeleBlanc, surprise entre deux bouchées. Les parents fondaient beaucoup d'espoir sur leur fille, remarquée à l'école primaire pour son intelligence et son ambition. Ils voulaient le confort maximum pour elle.
A peine quelques jours après que le véhicule de transport soit venue y déposer un luminaire, le voilà de retour afin faire le voyage du manoir jusqu'à Paris. A bord se trouvait la fille DeleBlanc et ses objets préférés. Des livres, beaucoup de livres, dont un traitant d'une méthode de régime, quelques meubles, et bien sûr la literie. Une fois que le véhicule dépasse l'horizon, Madame DeleBlanc se tourna vers Monsieur DeleBlanc et lui dit : « De toute façon, le drap commençait à jaunir ».
Sur place, le drap se trouva plus à l'aise qu'au manoir. La fille DeleBlanc était certes imposante, mais beaucoup moins lourde que les deux parents en mouvement. D'autant plus que la fille prenait son poids très à cœur ; elle suivait les conseils de son livre de régime à la lettre. De jour en jour, sa taille se réduisait. Elle commençait à se trouver belle, à prendre confiance en elle, et à chercher les garçons.
Le drap en a vu passer des lots de jeunes garçons, et pas forcément des minces. Plus les conquêtes se succédaient, et plus le drap avait des raisons de râler. Parfois ils étaient même plusieurs. L'horreur.
Et en parlant d'horreur, à la fin des études de la fille DeleBlanc, devenue décidément très maigre, le même évènement se passa. La fille DeleBlanc était dans la même position que la mère DeleBlanc à une certaine époque. Et c'était le même rituel, des cris, beaucoup de cris, et puis un long soufflement de victoire.
Le petit DeleBlanc grandissait aussi vite que la fille quand elle avait son âge. Déjà très jeune il rêvait de partir à l'aventure dans la montagne, pour y découvrir des grottes et des animaux sauvages. Il aimait chiper le drap de la fille DeleBlanc pour se construire une longue cape, se poster devant la fenêtre et laisser le tissu voler avec le vent.
Le drap détestait le petit DeleBlanc. Un petit prétentieux, qui ose se servir de la soie comme d'un vulgaire bout de chiffon. La fille DeleBlanc, au moins elle, faisait un minimum attention aux mailles. Le comble, c'était les réguliers problèmes urinaires du petit DeleBlanc. Qu'il y aille dans la montagne, se faire manger par des ours ! Il embêtera moins de monde.
Mais le drap savait qu'il perdait en crédibilité avec l'âge. Les jeunes râleurs c'est drôle, mais un vieux râleur c'est cliché. La jaunisse ne faisait qu'empirer. Des tâches jaunes, distinctives d'un âge avancé, se multipliaient sur la surface du tissu. La fille DeleBlanc, dès l'obtention de son certificat d'étude, partait très tôt pour se rendre au travail. Avec tout l'argent qu'elle gagnait, elle avait de quoi se permettre de changer l'intégralité de sa literie. Le drap simulait la nonchalance, mais c'était simplement pour mieux se faire remarquer. Les vieilles personnes aiment ce genre de combines.
Le petit DeleBlanc avait poussé comme un champignon, il commençait presque à avoir des poils au menton. Pour lui, l'école n'était pas aussi intéressante que pour sa maman. Il voulait à tout prix partir en voyage, et devenir explorateur. L'époque du far west le passionnait.
Vers le milieu de l'année, la canicule éclata : une vraie fournaise ! Tout l'appartement parisien était en sueur. On se servait du drap comme seul habit, car sa légèreté et sa maille particulière faisaient de lui un couvre chef intimiste et évasif à la fois. Le petit DeleBlanc avait souvent recours à cette technique. Avec le temps, le vieux drap appréciait de plus en plus le petit. Son rêve de voyage le touchait, parce qu'après tout, c'était peut-être ça, la raison de son comportement râleur. Toute sa vie il n'a vu que deux chambres. Il se souvient de toutes les fois où il était étendu au fil à linge à l'extérieur, l'horizon semblait avoir un chant de sirène.
Le vent commençait à souffler. Le petit DeleBlanc jugea bon d'ouvrir la fenêtre en grand pour aérer la pièce. Malheur ! Un souffle frais emporta la drap au ciel !
Il flottait au gré des bourrasques. Le petit DeleBlanc lui criait de revenir, mais le drap ne l'écoutait même pas. Il se contentait de profiter du moment, en fermant les yeux. Lui qui rêvait à l'instant de partir à l'aventure, lui qui n'avait jamais pris l'air, le voilà servis. Une à deux minutes plus tard, le rap se posa délicatement entre les branches d'un arbre. Il pouvait fermer les yeux à jamais, le drap avait maintenant tout vécu. L'amour, les conquêtes, la vie, la liberté, l'aventure. Il s'éteignit entre les branches de l'arbre, un sourire aux lèvres. C'était la première fois qu'il souriait, il allait garder cela pour l'éternité.
« De toute façon, le drap commençait sérieusement à jaunir », disait la fille DeleBlanc revenant d'une visite au manoir de ses parents.
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t ki

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Dim 27 Jan - 21:23



Je crois bien que c'est une de mes préférées entre toutes. Je veux dire, elles sont toutes géniales, mais celle-ci, vraiment, gnnnnnn. Trop mignon. <3

J'ai envie de dessiner tous les personnages, du coup.
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Dim 27 Jan - 21:32



Mawww, un crossover entre tous les objets autour de la fille DeleBlanc ? Ce serait trop chou <3
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t ki

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Dim 27 Jan - 23:11



Owi <3 excellente idée <3 awww <3
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Sam 9 Mar - 22:20



Pour cette histoire pas de fille DeleBlanc, mais une sorte de genèse. Enjoy ~

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Au moins elle était bien attachée. Le commissaire ficelle avait enfin réussi, après des années de traque intense, à retrouver « la Saucisse », comme on l'on la surnommait dans le métier. Le commissaire ficelle l'entoura de tout son corps en forme de quadrillage pour ne pas la laisser la moindre chance de s'enfuir. « La Saucisse », c'était devenue l'ennemie public numéro un de la charcuterie. Plusieurs fois elle vola des ingrédients, continua longtemps ses larcins pour finalement commettre un meurtre sur une pauvre andouillette. Cette dernière, la pauvre, tomba du comptoir, poussée par « la Saucisse ». Elle s'échappa de la prison hachoir à viande grâce à une évasion spectaculaire. Ses actions lui avaient valu la couverture du « Petit Boucher », le journal de la charcuterie DeleBlanc. Tout le monde la traquait désespérément, mais le commissaire ficelle eu du flair. Il la trouva grâce à une enquête menée tambour battant dans un coin reculé de la chambre froide, lieu que personne ne soupçonnait.
Cette belle prise faisait de lui une personne respectable et respectée, surtout par le maître des lieux, le boucher DeleBlanc. Grand leader charismatique reconnaissable à son ventre bedonnant et sa moustache, c'était aussi un homme préoccupé par son peuple, qu'il manipulait avec amour et passion de l'art lors de la distribution aux clients. Son commerce de charcuterie de proximité fonctionnait particulièrement bien.
Le jour du menottage de « la Saucisse » fut un grand jour pour le commissaire ficelle. Il marqua un tournant décisif pour sa carrière. Il en était de même pour le DeleBlanc.
Ce jour là, le grelot de la porte sonna. Une dame entra. Elle était magnifique dans sa longue robe blanche. On aurait dit un grand drap de soie, épousant parfaitement ses formes un peu enrobées. Monsieur DeleBlanc en avait la moustache qui frétillait. Il avait du mal à réaliser que la personne en face de lui était humaine, et que c'était d'abord une cliente venant acheter une bouchée à la reine. D'ailleurs, la femme dut répéter sa commande au moins quatre fois avant de faire descendre le DeleBlanc de son nuage.
Il emballa la bouchée avec le plus de soin et de délicatesse possible. Dans un geste fou, et il faut bien l'avouer quasiment désespéré, il ajouta au moment de la commande en faisant un clin d'oeil : « La bouchée à la reine, c'est pour la reine ou pour une personne que je n'ai pas encore vue ? Je donnerais n'importe quoi pour une entrevue avec sa majesté ». Cela faisait rire la dame. Séduite par ce petit humour, elle répliqua : « mettez-en moi une deuxième, pour que le roi puisse se joindre à la table, disons, cette fin de semaine chez moi ».
Le DeleBlanc lui indiqua alors que la bouchée pouvait se faire en livraison. Elle lui indiqua l'adresse de sa maison et repartit en ayant quand même acheté quelque chose, « la Saucisse » et le commissaire ficelle, toujours menottés ensemble.
Le samedi au soir, Monsieur DeleBlanc affûta sa moustache, retira les plis de son manteau et toqua à la porte de sa damoiselle. Sa respiration devenait haletante, mais fût rapidement bloquée par l'arrivée de la personne tant attendue. Ce n'était pas le drap blanc qui couvrait son corps mais une robe de chambre élégante. Modeste et visiblement un peu gênée, elle s'excusa de sa tenue légère, mais au fond Monsieur DeleBlanc n'y mettais pas d'objection.
Pendant ce temps là, le commissaire ficelle était seul autour de « la Saucisse », en plein milieu d'une assiette. Il profita de ce moment d'intimité pour lancer un interrogatoire de fortune, avec quelques questions élémentaires. Il souhaitait connaître les raisons des larcins, les motivations du meurtre de l'andouillette, et surtout le processus de ses évasions. Bien évidemment, « la Saucisse » était impassible. Et les deux se regardaient dans le blanc des yeux en fronçant mutuellement les sourcils.
La dame fit asseoir Monsieur DeleBlanc dans un large fauteuil adapté à son ventre bedonnant. Elle apporta une assiette de charcuterie provenant de son magasin, ainsi que deux coupes de champagne. Et la discussion se fit naturellement à propos de la charcuterie. Monsieur DeleBlanc tenait son commerce depuis maintenant un bon nombre d'années, et le faisait prospérer de ses mains. La dame était extrêmement touchée par le courage de Monsieur DeleBlanc, d'avoir réussi à construire ça tout seul. Son secteur d'activité à elle c'était les nouvelles technologies. Elle gérait une entreprise d'innovation, et sa dernière trouvaille était une nouvelle imprimeuse, permettant de tirer des centaines d'exemplaires d'affiches et autres visuels. C'est là que Monsieur DeleBlanc eut une idée géniale : pourquoi pas unir nos domaines et utiliser l'imprimeuse pour promouvoir la charcuterie ? « Et pourquoi pas unir tout court ? » répondit aussitôt la dame, visiblement séduite par l'humour et le visage apaisant de Monsieur DeleBlanc. Cela jeta un léger blanc, avant que ce dernier ne comprenne l'allusion.
Le commissaire ficelle commençait à en avoir marre de ce silence improductif. Pour couper tout ça, c'est lui qui finalement parlait de lui. Il racontait le moment où il a vu ses parents, des cordes de piano, mourir en tombant du cinquième étage. Cette mort sonnait toujours comme une injustice du destin, et il avait choisi de devenir commissaire pour réduire au maximum les injustices de la vie en protégeant les citoyens. Visiblement touchée par cette confession, « la Saucisse » se mit alors à parler. Elle n'avait jamais connu ses parents. Abandonnée dans la chambre froide alors qu'elle n'était d'une petite chipolata, elle a dû se débrouiller seule pour survivre. A une époque où les saucisses ont tous un talent caché, comme des noisettes ou du Beaufort, la petite chipolata avait beaucoup de mal à percer dans cette société. Personne ne lui avait tendue la main. Pendant des années et jusqu'à aujourd'hui, elle volait des provisions aux marchands locaux. C'était la raison de tous ces vols. Le commissaire ficelle écoutait attentivement l'histoire de « la Saucisse », pour une fois, sans prendre de notes dans son petit carnet.
Monsieur DeleBlanc avait chaud, tout d'un coup. Mais cette chaleur était positive, il se disait que c'était trop beau pour être vrai. La femme de ses rêves faisait le premier pas ? Oh ! Une opportunité à saisir ! Il répondit, en essayant de rester le plus gentleman possible, que l'union était fortement envisageable, et il ne parlait pas seulement de l'entreprise. Les deux larges fauteuils se rapprochaient au fur et à mesure que les allusions fusaient. Une fois collés, l'un posa sa tête sur l'épaule de l'autre ; ils semblaient tous deux avoir oublié la charcuterie, l'imprimerie, la fusion d'entreprise. Ils pensaient tous deux à une autre sorte de fusion. Et puis ils se sont embrassés.
Le meurtre de l'andouillette ne s'était pas passé comme le racontait les journaux. La victime, c'était « la Saucisse ». Sortant d'un vol d'un magasin tenu par l'andouillette, celle-ci voulu punir « la Saucisse » en la frappant. Elle couru dans sa direction, mais « la Saucisse » esquiva son coup. Ne sachant pas s'arrêter, l'andouillette tomba du comptoir. Un témoin avait vu la scène et rapporta de fausses informations aux journalistes du « Petit Boucher ». « La Saucisse » encouru alors une peine de prison injustifiée. L'histoire de l'évasion miraculeuse aussi c'était du pipeau, l'ami merguez de « la Saucisse » fit simplement sauter une paroi du hachoir. Le commissaire ficelle baissa les yeux. Il compris que son combat était vain : l'injustice qu'il défendait jusque là n'était qu'une illusion. La vraie injustice, c'est la différence sociale et le jugement hâtif, pas la mort inopinée. Ça, c'était l’œuvre du destin. Et en parlant de destin, quelque chose se forma entre le commissaire ficelle et « la Saucisse ».
Un bon DeleBlanc est un DeleBlanc qui travaille vite et avec amour. Ainsi, une Madame DeleBlanc était née. L'association des deux entreprises produisait les plus belles affiches de ce temps. Le savoir faire de Monsieur DeleBlanc pour confectionner des saucissons combiné avec l’œil expert de la photographie de Madame DeleBlanc permettait de créer des miracles visuels. Si bien que la charcuterie grandissait, pour finalement devenir un passage obligatoire pour tous les professionnels de la viande, et surtout une référence dans le domaine. Le commerce était à son paroxysme. Le couple DeleBlanc se permit l'achat d'un petit château dans un coin reculé de la ville.
Sur le comptoir de la nouvelle charcuterie se dressait le commissaire ficelle et « la Saucisse », en guise de présentation des produits. Les deux, qui autrefois se détestaient et se fuyaient, commençaient à se rapprocher de plus en plus. Ils se comprenaient. Et finalement, « la Saucisse » était plutôt jolie, avec sa belle couleur rose. Le commissaire ficelle n'était pas non plus sans charme, avec son corps grand et affiné. Les deux finissaient par s'entourer, de façon instinctif, cette fois non pas pour passer des menottes.
Le couple DeleBlanc choisi de laisser « la Saucisse » et le commissaire ficelle en présentation de produits. Symboliquement, c'était fort.
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Lun 11 Mar - 22:55



Excellente préquelle. T'as un talent pour laisser l'imagination des personnages, et donner vie et personnalité aussi bien aux objets qu'aux humains, parce que c'est toujours réussi, de ce point là. <3

C'est très visuel, aussi. J'imagine bien ce récit là en film d'animation, surtout les parties avec la Saucisse et le commissaire ficelle. Un court métrage à la Wallace et Gromit ferait parfaitement l'affaire. x)

... Avec une touche de Tsamère, aussi, non? La saucisse, le meurtre, légumes qui parlent, tout ça... ahde
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Ven 22 Mar - 14:57



Honte sur moi j'avais toujours pas commenté cette partie.

J'approuve content, c'est excellent. T'es vraiment doué pour écrire des trucs randoms, tu sais ça ? :o je suis jalouse. grrrr.
En plus c'est même pas vraiment random. Je veux dire, à force de petites histoires t'as réussi à créer tout un petit univers et là, on retrouve tout petit à petit et c'est encore mieux, on peut imaginer, anticiper, s'impatienter et puis pouf, au détour d'une phrase y a un petit détail qui nous fait dire "ah mais ouiiii" et... et c'est génial okay, c'est génial. *W*
Kana
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Lun 25 Mar - 12:21



Mawww vous êtes gentils ;_;

La suite ! Le test d'anglais de la fille DeleBlanc ! La trame de fond de l'histoire pourra servir d'un spin-off plus tard. Je ne sais pas, à vrai dire je prévois pas trop ce que je vais faire. Tout ce que j'ai, c'est le fil rouge de la fille DeleBlanc, mais après tout le reste se fait au fur et à mesure.

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Même si personne ne n'approuvait ses actes ni son caractère, le fait est que la société est bien meilleure aujourd'hui grâce à lui. Les atrocités du passé ont permis un renouveau. Si on faisait une image de l'histoire, elle représenterait une fleur poussant sur de la boue. Les résultats économiques et la réussite sociale générale pardonnaient les monstruosités ; d'immondice il est devenu héros. C'est ce qu'il avait dit depuis le départ, de toute façon. Au départ il disait que ses actions allait produire des merveilles, seuls quelques fous le croyait. Parce que même si le résultat est là au final, il fallait être fou pour y croire à cette époque.
Le crayon roula alors une cigarette pour se détendre et surtout pour arrêter de ruminer dans sa barbe. La fumée partait hors de la fenêtre et disparaissait au loin. Il pensait à la guerre. A sa guerre. A ses compagnons perdus. « HB », « 2B », et puis « 2H », quel caractère celui-là, jamais un brin de modestie. Il se rappelle de la mission « Examen », celle qui fut la conclusion d'un conflit de plusieurs années. Même sa supérieur, Générale DeleBlanc, quitta la profession. Trop d'horreur. Trop de carbone déversé, pour finalement quoi ? La paix ? On pouvait pas l'avoir avant ? Est-ce que tout cela était nécessaire ? Les actions du despote Taille-Crayon ont certes porté leur fruit, mais il suffisait de faire un accord avec l'ennemi. Les attaquer n'a fait que grandir les statistiques des pertes de vie.
Le crayon avait fini sa cigarette. Il était détendu. Il avait fait sa dose de rumination quotidienne. Il ne lui restait plus qu'à rentrer chez lui. Tous ces souvenirs l'alourdissaient et il traînait le pas entre les pieds de chaise. Sur sa route, il croisa un groupe de quelques petits bouts de gomme jouant à la pelure. Visiblement téméraires, ils tentèrent de provoquer le vieux crayon.
« Hey grande saucisse, tu nous remercies pas pour ce qu'on t'a fait ? »
« Pardon ? »
« Bah ouais, c'est grâce à nous les gommes que t'as ta paix ; sans nous tu serais cassé en deux »
Le crayon n'avait pas d'autres choix que de baisser la tête. C'était des petits merdeux, mais ils avaient raison. C'est grâce aux gommes que les crayons ont triomphé, et particulièrement du côté du régiment du générale DeleBlanc. Les crayons avaient amorcé une mauvaise manœuvre du côté du quartier Anglais, mais les gommes ont vite rectifié le tir en faisant de cette manœuvre une diversion. L'empire du papier contrôlait ce quartier et il suffisait de contourner les bâtiments pour le prendre de derrière. On a frôlé la lâcheté, mais c'est grâce à cette stratégie que la victoire nous a souris. C'est grâce aux gommes que la guerre était finie, et pas aux crayons.
Tout le monde avait accès à un travail bien placé, un salaire digne de ce nom, des denrées, mais quelque chose manquait, quelque chose qui n'était pas mentionné dans les statistiques matérielles. C'était la pression psychologique. Les crayons étaient constamment charriés par les gommes, à juste titre, mais les chutes de gommes n'avaient aucune légitimité à parler d'une guerre qu'ils n'ont pas connu.
Le crayon acceptait quand même cette situation, parce qu'il était convaincu que rien ne pouvait changer cette relation. Il resta devant chez lui, à se dire que la situation économique lui avait permis d'avoir une grande et belle trousse. Et puis il remarqua un copeau isolé sur le côté. Lui n'avait pas une grande trousse mais gardait ses affaires dans une petite antisèche. La crayon avait du mal à comprendre ce copeau, introverti, pauvre. Il préférait l'ignorer, parce qu'il paraît que la pauvreté est contagieuse de mauvaise fortune. C'est ce que disais le despote Taille-Crayon.
Les jours passaient et les cigarettes s'accumulaient. Le crayon avait de plus en plus de mal à oublier ce copeau. Il était si étrange. Il avait le regard dans le vide, exactement comme quand le crayon scrutait l'horizon par la fenêtre en allumant sa cigarette. C'est comme si les moments de liberté du crayon étaient effectués par le copeau de façon régulière. Il écrasa son mégot contre le rebord avec les centaines de mégots déjà présents, et s'en alla au milieu des pieds de chaise.
Sur le chemin, il repensait à la guerre et plus particulièrement à la mission au quartier Anglais. Il repensait à « 2H », et à la façon dont il s'en fait brisé en deux juste devant ses yeux. C'était atroce. Le bruit de craquement du bois. Le carbone qui s'éjecte. Les morceaux de bois qui s'éparpillaient. Mais surtout, le fait que le crayon ne pouvait absolument rien faire, il savait qu'au moindre mouvement le même sort lui était réservé. Sur le coup de la tristesse et de la colère, il était tenté de se sacrifier pour rejoindre son ami au ciel, mais l'urgence de la mission et le rythme effréné des tirs le fit très vite revenir au pragmatisme.
Une fois devant la trousse, il revit le copeau sur le côté. Cette fois, il se croisèrent des yeux. Le crayon aperçu un vide, un vide de sens, à la manière du cosmos. Des étoiles, disposées ça et là, qui forment des symboles abstraits, et dont l'ensemble représentent une profondeur infinie. Le crayon était troublée par ce constat, et pour la première fois, évita de regarder la grande trousse. Il entra chez lui en baissant les yeux.
La nuit dans son lit, le crayon imagina une scène. Et si le copeau était présent à côté de lui pendant la mission Anglais ? Qu'aurait-il fait, qu'aurait-il dit à la mort de « 2H » ? Son mode de vie était tellement en marge de celui du crayon que chaque scénario était incohérent, pour la simple et bonne raison que le despote Taille-Crayon n'aurait jamais accepté le copeau dans son armée. La Générale DeleBlanc l'aurait peut-être accepté, parce qu'elle avait assez de second degré pour se permettre des cas aussi spéciaux. Et dans l'autre sens ? Est-ce que le copeau aurait accepté le despote Taille-Crayon et la Générale DeleBlanc ? Il aurait sûrement refusé les deux, et surtout le despote Taille-Crayon. Parce qu'il fallait être fou pour refuser le despote Taille-Crayon.
Être fou.
Être fou.
Ces deux mots résonnaient. La folie. Les gens qui croyaient au despote avant son ascension étaient des fous. A qui croyais-tu, copeau ?
Le lendemain, rebelote. Le crayon grillait sa cigarette, avec des cernes aux yeux. Il était fatigué de cette nuit qu'il a passé à réfléchir. Il lui fallait une certitude. Il écrasa sa cigarette à moitié consommée, et se rua vers sa trousse. En chemin il croisa les petits bouts de gomme, toujours à jouer à la pelure. Il n'écoutait même pas les moqueries.
Une fois devant le copeau, il se posa un instant pour reprendre son souffle. Cet instant installa un silence gênant, tellement embarrassant que le crayon se oublia ses mots et plongea de nouveau dans le cosmos. Dans la confusion, il lança « A qui est-ce que tu crois ? », mais cela n'avait aucun sens puisque cette phrase résultait d'une réflexion de plusieurs heures. Le copeau n'avait aucune chance de comprendre.
Et pourtant, celui-ci répondit. La réponse du copeau était surprenante ; les yeux du crayon s'écartait et sa bouche s'ouvrait. Le crayon regarda à droite, à gauche, sa trousse, les petits bouts de gomme, le palace du despote Taille-Crayon au loin, le cosmos. Tout cela n'avait plus de sens. Il n'y avait plus d'équilibre, et le manque de stabilité le faisait vaciller. Tout était bouleversé. Les codes, la guerre, « 2H », tout cela n'avait plus aucune harmonie.
Et pourtant le crayon ne s'était jamais senti aussi bien. Comme si l'éclatement de la balance l'avait libéré, comme si cette balance était devenue nette et représentait désormais des chaînes brisées. Il se retourna et fonça en direction des petits bouts de gomme. Il leur dit :
« Je suis un crayon. Et la gomme est ici, au niveau de mon cul ».
Les petits bouts de gomme étaient choqués.
Il fonça ensuite en direction de la fenêtre, et donna un gros coup de bois dans le tas de cigarettes. L'air était pur. Le crayon avait enfin une bonne mine. Fini les cernes. Fini la pression sociale. Le bois du crayon était creux, et à l'intérieur ruisselait un courant, les quelques mots du copeau.
« Je crois au despotisme des fous »
Le crayon comprenait pourquoi il se sentait bien sous le commandement du Générale DeleBlanc. Il était sous le despote d'une folle ; une folle qui engageait une guerre sans connaître l'ennemi, sans grande connaissance de la mission Anglais. Une folle qui se battait, avec détermination.
Il se rua dans le palace du despote Talle-Crayon et vociféra avec le maximum de puissance vocale :

« JE SUIS FOU »
Screw
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t ki

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Dim 19 Mai - 19:55



Un peu de retard sur ce coup là :p
Cette fois-ci on ne traite pas forcément d'un objet à proprement parler. Have fun ~

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Le petit DeleBlanc avait décidément bien grandi. Quelques poils commençaient à grandir, sous les bras et sous le nez. Il voulait se les faire pousser jusqu'à avoir une barbe, apparemment, mais la jolie fille DeleBlanc n'était pas d'accord, elle ne souhaitait pas que son fils ait des airs de débauche (qu'est-ce que ses collèges ingénieurs diraient s'il voyaient une hygiène aussi médiocre ?).
Mais le DeleBlanc n'en avait que faire. Lui ce qu'il voulait, c'était partir à l'aventure, découvrir de nouvelles contrées, et pour ça il fallait se laisser pousser la barbe. Parce que tous les aventuriers ont de la barbe, c'est bien connu. Du coup, il encourageait en cachette sa petite moustache, afin qu'elle grandisse à chaque fois un peu plus vite.
L'attente pour le DeleBlanc était insoutenable, et la moustache s'en amusait. Volontairement, elle mettait plus de temps que prévu. Bien sûr, elle savait qu'un garçon de son âge se devait d'être imberbe au risque de passer pour un hurluberlu, mais ce n'était pas la vraie raison. La moustache voulait avant tout être taquine. Elle savait énerver les gens en les faisant attendre.
Tous les soirs le DeleBlanc se regardait dans un miroir, tapotait ses joues nues, et essayait de tirer sur la peau pour forcer la moustache à sortir. En vain. La moustache était plus forte que ça.
A l'école, le DeleBlanc était dans la classe des grands. Parmi ses camarades, un avait une année de plus, puisqu'il avait redoublé. Il était très gentil, mais son grand défaut était d'avoir une petite barbe. Cela avait le don de rendre DeleBlanc fou de jalousie. Si bien qu'un soir, au lieu de se tirer la peau, il se pris un crayon. Il dessina alors une moustache sur son visage, en faisant de multiples traits. Le résultat était bluffant. On était plongé en plein far west, on aurait dit un cow-boy barbu.
La moustache, par contre, n'aimait pas ça du tout. Peut-être souffrait-elle d'un manque d'attention, mais il fallait qu'elle réagisse. Quoi qu'il en soit, elle n'arrivait pas à accepter le fait que le DeleBlanc arrive à contourner le problème.
Alors il fallait une solution choc pour contrer cette situation de crise. En effet la moustache déprimait. Elle s'imaginait toute seule, sans menton pour la supporter, au milieu d'une rue sous la pluie, avec une musique d'adolescent triste en fond. Pour lutter contre ça, elle devait agir, et vite. Quand un grain de sable bloque un engrenage, que faut-il faire ? Pousser plus fort sur l'engrenage ne fait que l’abîmer. Il faut prendre le problème à contre-courant. Inversons le sens de l'engrenage, et le grain de sable sort de lui-même. Fin de la métaphore. La moustache commença à pousser, par dessous les coups de crayon.
Le résultat était, comment dire...sale.
La peau avait un rendu granuleux, comme si l'épiderme du DeleBlanc avait été frottée par un chiffon enduis de suie. Le matin en se regardant dans la glace, ce fut le choc pour le DeleBlanc. Il voulait un aspect négligé digne des plus grands cow-boy, mais pas à ce point là.
La moustache sentait des larmes. Pas de quoi la décourager, la taquinerie était plus forte que la compassion. Elle voulait pousser le vice encore plus loin : elle incrusta l'encre du crayon dans le creux de la peau. Le DeleBlanc pouvait frotter aussi fort qu'il voulait, cela n'allait pas partir. L'encre bon marché était devenu tatouage. Et plus le DeleBlanc frottait, plus sa peau devenait rouge.
Cela avait le don de terrifier le jeune DeleBlanc. De cow-boy il était devenu apache.
L'heure tournait, la peau était atroce, le DeleBlanc s'horrifiait, la moustache riait.
Il allait bien falloir se confronter au jugement des écoliers à un moment ou à un autre. Le DeleBlanc paniquait. Ce visage n'était absolument pas présentable. Il était quasiment l'heure de partir, chaque seconde correspondant à un frottement de poils de la moustache. C'était jouissif pour elle, de voir un piégeur piégé. Elle se sentait tellement forte, tellement puissante.
Le DeleBlanc était devenu fou. Il courrait dans tous les sens, heureusement que sa mère était absente ce matin (un problème de fournaise dans l'usine dont elle avait la charge).

Et puis, une folie.

Il pris un sac à dos, son préféré. Il le remplis avec le nécessaire de survie, comme indiqué dans la Bande Dessinée Western « La poussière plein le chapeau », à savoir des sandwichs, des gourdes, une lampe, une tente dépliante, un pyjama lapin, un rasoir, de la mousse et beaucoup d'audace. Il quitta la maison, et pris la direction opposée à son école, en prenant bien soin de se recroqueviller pour éviter les regards.
La moustache hallucinait. Elle n'aurait jamais pu imaginer ce scénario. Et puis elle était liée par les liens du poil au DeleBlanc, alors impossible de ne pas assister à ce spectacle, impuissante. Quelques gouttes de sueur commençaient à couler. La plaisanterie allait-elle trop loin ? L'égo de la moustache était touchée. Dans un élan d'énervement, elle poussa le plus vite possible au dessus de la bouche, sur les côtés de la tête, et fit pression sur les cheveux pour développer un énorme mulet.
Le DeleBlanc se plaça devant une vitrine abandonnée, posa son sac à dos et y sorti le rasoir. La moustache, pour la première fois, n'avait aucune issue. Elle criait de désespoir « Non ! Tout mais pas ça ! Allez gamin, pose la lame ! », mais le DeleBlanc n'en avait que faire. Il fronçait les sourcils comme jamais et fit un premier coup de rasoir. La moustache se tordait de douleur. A chaque passage de lame, malgré la mousse, l'agonie de la moustache grandissait. On retirait des parties d'elle, peu à peu. Dans son malheur, elle clamait le pardon, la pitié. Le DeleBlanc était obnubilé par la vengeance, il n'entendait aucune réclamation de la moustache, et de toute façon, n'était pas prêt pour la clémence.
La moustache était quasiment consumée. Seuls quelques poils restaient, mais ça ne suffisait pas à la maintenir en vie. Derrière elle une nouvelle génération de moustache, sans doute moins taquine. Le tatouage de barbe disparaissait au fur et à mesure que la moustache perdait ses forces. Il ne restait finalement que quelques traces rouges provenant du frottement précédent la fugue. Il courra vers l'extérieur de la ville, plongea la tête dans une rivière pour enlever la mousse, pris sa respiration, et repris confiance en lui.
Sa mère s’inquiétait beaucoup devant les grilles de l'école. La maîtresse lui indiqua ne pas avoir vu le jeune DeleBlanc de la journée. La police fit des fouilles partout en ville, en vain. Maman DeleBlanc était déchirée. Elle imaginait le pire ; son fils était peut-être mort.
L'idée de revenir à la maison et d'aller à l'école ne traversa même pas l'esprit de ce dernier. La nature l'appelait. Il en avait rêvé, du Grand Ouest, de la terre sauvage, des grands espaces. La forêt à côté de la ville était une mise en bouche de ce rêve. Sur le chemin, il leva les yeux fermés au ciel comme baigné de lumière, avala un énorme bol d'air, et ouvrit les yeux. Une montagne s'élevait, au loin. C'était ça, son rêve. Et il marcha, armé de son sac à dos préféré, en pensant :

« Sois fou, redescend sur Terre ».

C'est en étant seul qu'on a une belle barbe.
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Lun 26 Mai - 8:40



Voilà, les histoires inanimées c'est fini. Cette histoire boucle la boucle. Au début c'était juste un délire d'une insomnie, et puis tout s'est construit au fur et à mesure. Chaque histoire est reliée par la fille DeleBlanc, c'est donc naturellement que l'on finit par le premier objet de l'aventure. C'était un plaisir immense à faire, donner libre cours à ce qui trottait dans mon cerveau. Dommage que j'sois trop fainéant pour relire quoi que ce soit.

--------------------------------

La place manquait, surtout que depuis peu, de nombreux arrivants occupaient un large espace. Alors on se serrait, on sentait l’odeur et majoritairement la puanteur des collègues. Parce que oui, dans un tel environnement, on est bien obligé de s’entraider, de travailler ensemble.

Je ne sais pas s’il y a un endroit pire que celui-là. Symboliquement en tout cas, on était traités comme des déchets, parce que c’est ce que nous étions. On était tous fripés, les uns sur les autres. Imaginez un animal en cage, dans un zoo. C’est à peu près la même sensation, sauf que les barreaux sont tellement serrés qu’ils deviennent des habits, avec une étiquette « pourri » dessus.

Après le décès de Mr DeleBlanc, sa fille ne pouvait plus s’occuper des frais du manoir. Quelques mois auront suffit pour nous retrouver sous un drap blanc. Pour ne plus entendre le moindre bruit de pas, pas le moindre gémissement, pas la moindre parole, pas le moindre rire, pas la moindre dispute. Tout était silence. Même les quelques rats qui traversaient la salle principale du château marchaient sur un nuage, tu parles, pour eux c’était le paradis. Pour nous, les limbes.

Quand le petit DeleBlanc a décidé que vivre comme un ours était bien mieux que d’apprécier la vie avec sa mère courageuse, ce fut l’électrochoc. Cette dernière recentra sa vie sur elle et profita de sa nouvelle vie de femme libre. Elle voyagea. Tous les trajets en avion avaient fini par la ruiner, il lui fallait donc une forme de financement pour continuer sa vie de bohème. Elle mit donc tous les objets du manoir en vente aux enchères.

On ne se faisait pas trop d’illusions. On savait qu’on était tous un peu usés, surtout moi qui avais connu les transports en tout genre, la poussière, et un excès de jalousie. J’étais un peu le vétéran de guerre, et malheureusement, aucun acheteur n’a voulu de moi.

Mais il n’y avait pas de place pour la lamentation. On devait s’entraider pour que la folie ne gagne pas l’un des nôtres. Moi, j’étais légèrement plus chanceux que les autres, vu que j’avais accès à l’air libre au sommet de la montagne de déchets sud-ouest, là où le vent est le moins pollué. C’était facile de convaincre les autres de me placer ici, j’avais juste à prétexter une fragilité des bougies et des accroches-plafond, et le tour était joué.

Il ne se passait pas grand-chose en fait. La journée se limitait à trouver la bonne position pour dormir la nuit.
Le problème quand on cherche la bonne position, c’est que dès qu’on la trouve il y a toujours un truc qui vient sortir de cette position. Une sonnerie de réveil, un rayon de soleil, une odeur. Dans mon cas, c’était un aimant géant. Le genre d’aimant qui sert à transporter les déchets les plus usés pour les mettre en petits cubes, faute de place à la déchetterie. L’aimant il passe tous les mois et à chaque fois il s’attaque à une montagne. Ce jour là c’était notre montagne. Mon crochet étant en métal, je me suis accroché d’un seul coup, bim.

Sur le coup je me rendais pas forcément compte de ce qu’il se passait. Déjà parce que je venais de me réveiller brutalement, mais aussi parce que je m’y attendais pas du tout. Mais après quelques instants, je réalisai la dangerosité de la situation. En fait non, c’était même pas une histoire de danger, c’était une histoire de fin. Le danger c’est seulement un obstacle de plus à franchir, mais la fin, mon dieu, la fin c’est un point de non-retour. Ce n’est pas une simple barrière à escalader, c’est un mur et je suis en fauteuil roulant. Pris au piège.

Pas le temps de se lamenter. Il fallait sortir de la mort. C’était complètement absurde, si je tombais, je me retrouvais dans les tas d’ordures, alors à quoi bon ? De toute façon, l’aimant était très fort. Ou mon corps était trop faible, je ne savais pas trop où me placer.

Du coup, je me suis retrouvé dans le bâtiment mystérieux.
Le bâtiment mystérieux, c’était une tour qu’on voyait au loin. On savait que ça servait à quelque chose puisque ça crachait de la fumée, mais comme personne n’y était jamais revenu on ne savait pas à quoi elle servait.
L’aimant me décrocha, je me à mis à tomber, tomber, tomber. J’ai sombré, sombré, sombré. Encore pire que ma montagne, le soleil manquait à l’appel. Franchement, ça m’a fait paniquer, je me mettais à bouger dans tous les sens, complètement affolé par le noir obscur. Imaginez bien qu’un lustre ne vit pas souvent dans le noir. Et je ne parle même pas de la puanteur.

Pourtant, c’était la lumière qui m’a effrayé le plus. Une porte aussi grande que celle du manoir s’ouvrit devant moi, et une lueur de flamme transperça l’obscurité. Tout s’est passé à une vitesse folle, l’aimant, la chute, le noir, les flammes. Je n’avais pas ressenti ça depuis mon voyage en camionnette, il y a de ça quelques années.

J’arrive alors dans une salle spacieuse, grise, froide. Elle est éclairée par une fournaise centrale, crachant des braises de son ventre affalé au sol. Dans un sens, cette fournaise me faisait penser à Monsieur DeleBlanc, sûrement à cause du ventre bedonnant.

Je suis sur un long tapis noir, en hauteur, tout droit. En bas la fournaise semble fatiguée, son corps est usé, rayé, cabossé. Elle est assez représentative de l’usine, toute droite sortie d’un désastre vu le nombre de débris.
Ca résume assez bien mon état d’esprit. C’est le chaos. Imaginez-vous dans un monde tout blanc, sans horizon, sans chemin, sans devant, sans derrière. C’est l’état de mon cerveau en ce moment. Je tourne en rond. J’arrive même pas à déterminer si j’ai mérité ça, puisque de toute façon, je ne sais pas ce que c’est, ça.

En tout cas, je sais que quelque chose se finit. Quelque chose de bien trop grand pour être décrit : tout.
J’ai saisi ça quand j’ai vu les compresses qui sortaient de la vapeur en face. Deux grosses plaques qui s’entrechoquent à intervalle régulier. Tout ce qui passe entre ces plaques disparait.

Je ne regrette rien. J’ai peut-être fait des erreurs, mais j’ai contribué au monde. J’ai émerveillé une petite fille, j’ai mis de la lumière dans ses yeux. C’est la plus belle des choses, et j’y suis parvenu. Donc non, clairement, je ne regrette rien. Avec les quelques débris qui vont résultat de la compression des plaques, je vais devenir autre chose.
Je serai recyclé, et j’aurai tout oublié de ma vie de lustre. J’aurai tout perdu.

Tout ?

En y réfléchissant, c’est faux. Je transmets la flamme vers la petite fille. Que ses yeux continuent de briller comme avant, que son visage soit doux et lumineux comme avant, même au moment où elle s’éteindra.
Les plaques sont à quelques centimètres. Bonjour, nouvelle vie.

Boom. Boom.

….

« C’est fou ce qu’on fait de nos jours avec les technologies. Tu savais que cette ampoule était complètement recyclée ? Genre, avant c’était un autre truc, et paf, on en a fait une ampoule basse consommation » disait le médecin légiste en pointant l’ampoule éclairant la salle.
« Bon alors Mme DeleBlanc, bien dormi ? »

La jolie fille DeleBlanc –malgré son âge, elle souhaitait toujours se faire appeler de cette façon- acquiesça d’un mouvement de tête. Elle ne pouvait guère parler, avec toutes ces tuyauteries, sur son lit d’hôpital.

Le médecin s’en va. La fille DeleBlanc est seule dans la chambre. Elle n’a pas la force de faire grand-chose, alors elle regarde le plafond, blanc immaculé. La vie lui a donné des rides et des draps d’hôpital.

Son regard se dépose naturellement, inconsciemment sur l’ampoule. La douce lumière se dégradant sur le plafond lui rappelle sa jeunesse. Mais la lumière est forte et elle ferme les yeux. Au travers des paupières, cela donne une calme couleur rosée.

Elle est paisible. Elle repense à la moustache de son papa, à ses crayons de couleur, à l’enseigne de ping-pong, à l’emblème de la boucherie familiale, à la bande dessinée « la poussière dans le chapeau » offerte à son fils, au métal de son usine, aux traces jaune de son drap. Et à la lumière, celle qui l’a accompagnée tout au long de sa vie. Le rose s’assombrie.
Dans ses dernières forces, elle esquisse un sourire. Cette ampoule est aussi majestueuse que le lustre d’antan. Une lumière, une attention, et un sourire.

Et l’ampoule éclaire son visage.
Screw
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